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02/11/2014

Témoignage d'un veilleur aux Invalides

veilleurs invalides.jpg22h : nous sommes un peu plus de 800 jeunes, assis par terre dans le calme, sur l’Esplanade des Invalides, avec des bougies. Axel, le chef de file du mouvement, explique au porte-voix l’esprit de cette initiative. Il s’agit de résister à ce gouvernement et à ses lois iniques, non par la violence, mais par notre force spirituelle, au sens large, celle qui habite tout homme, ce n’est pas réservé aux croyants. C’est notre vie intérieure, notre paix, notre amour qui constitue notre plus grande force de résistance ; à cela le gouvernement ne peut rien opposer. Je connais Axel de vue, il vient à EVEN le lundi soir. Il est d’un calme olympien, il parle d’une voix douce, ni coléreux, ni revendicatif ; il sait où il va et tient le cap. Il mène cela avec une jeune fille nommée Alix, peut-être 25 ans, pas plus (…)


Nous écoutons toujours des paroles et des textes, alternés avec des temps de silence. Ailleurs encore, des pétards, des sirènes… Il est difficile de rester tranquilles, ancrés dans sa « paix intérieure » comme le rappelle Axel, quand les camions de CRS passent et repassent dans tous les sens sur l’Esplanade. Des jeunes partes, d’autres se dissipent…

Un garçon récite par cœur un texte de Gramsci sur l’indifférence :

« Je hais les indifférents. (…) Ce qui se passe, le mal qui s’abat sur tous, le bien possible qu’un act héroïque peut provoquer, tout cela revient moins à l’initiative de quelques personnes qui agissent qu’à l’indifférence, à l’absentéisme de la majorité. Ce qui arrive, arrive non pas parce que certains veulent qu’il arrive, mais parce que la majorité abdique sa volonté, laisse faire, laisse se grouper les nœuds qu’ensuite seule l’épée pourra couper, laisse promulguer les lois qu’ensuite seule la révolte fera abroger, laisse aller au pouvoir les hommes qu’ensuite seule une révolution pourra renverser. La fatalité qui semble dominer l’histoire n’est que l’apparence illusoire de cette indifférence, de cet absentéisme. Des faits mûrissent à l’ombre, justes quelques mains, à l’abri de tout contrôle, tissent la toile de la vie collective, et la masse ignore, car elle ne s’en soucie point. Les destins d’une époque sont manipulés selon des vues étriquées, des buts immédiats, des ambitions et des passions personnelles de petits groupes actifs, et la masse ignore, car elle ne s’en soucie points. »

Axel nous invite encore à examiner pourquoi nous sommes là, et ce que nous voulons défendre. Nous voulons montrer notre détermination, de manière pacifique, en s’appuyant sur notre vie intérieure. Nous préférons ce que nous croyons à notre vie, à notre confort. Toujours dans un grand calme, sans exaltation, sans triomphalisme, humblement.

Minuit trente : Axel donne le signal du départ. Tous ensemble, chantant toujours, nous nous levons et marchons calmement vers la bouche du métro. Extraordinaire moment : notre paix est victorieuse. Les CRS nous encadrent, ils ne savent pas quoi faire de leur force. Des ordres imbéciles fusent, certains empêchent ceux qui veulent de partir à vélo ou à pieds de passer, l’un d’eux crie : « Laissez tomber vos boucliers les gars, il ne va rien se passer. » Ils sont tellement habitués aux rapports de force et à la violence, que notre manière d’agir les dépasse  complètement. Ils se croient obligés de pousser ceux qui descendent dans le métro, de repousser ceux qui sont à l’extérieur… S’ils avaient eu confiance en nous, en dix minutes nous nous serions dispersés nous-mêmes dans le calme. Heureusement, pas d’incident grave, et à 1h l’Esplanade est déserte.

Expérience faire, je croit que cette initiative est belle, et j’encourage ceux qui le peuvent à la rejoindre. Beaucoup de jeunes, et des moins jeunes, légitimement énervés par le déni et l’injustice dont nous sommes l’objet de la part du pouvoir e des médias, basculent dans la violence. Je crois que la vraie résistance est là, dans la force spirituelle de cette jeunesse de Paris, qui est prête à défendre la vérité, qui ne cède ni à l’indifférence ni à des pulsions de violence, qui fonde sa force sur celle de l’intelligence, celle du cœur, celle de la foi. Ce soir encore, et les jours suivants, de plus en plus nombreux sans doute, « Les Veilleurs » seront là, sentinelles de l’aurore.

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