Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

22/09/2015

JUIN 2015 - L'ETAT

citation.JPG

Intervention d'Hilaire de Crémiers sur l'Etat

hilaire de Crémiers.jpgHilaire de Crémiers dirige le mensuel Politique Magazine.Il propose des analyses politiques, sociales, économiques, financières, culturelles qui sont aussi originales que percutantes. C’est que ces analyses vont au fond des débats réels qui ne sont jamais abordés ailleurs : elles n’hésitent pas à poser la question des institutions et les questions de civilisation.

Hilaire de Crémiers dirige également une revue, La nouvelle Revue Universelle, héritière de la Revue Universelle fondée en 1920 par Jacques Bainville. Cette revue trimestrielle de niveau universitaire traite de questions de fonds politiques, religieuses, économiques et sociales.

 

Le pays

paysage.JPG

Ma France, quand on a nourri son coeur latin
Du lait de votre Gaule,
Quand on a pris sa vie en vous, comme le thym,
La fougère et le saule,

Quand on a bien aimé vos forêts et vos eaux,
L’odeur de vos feuillages,
La couleur de vos jours, le chant de vos oiseaux,
Dès l’aube de son âge,

Quand amoureux du goût de vos bonnes saisons
Chaudes comme la laine,
On a fixé son âme et bâti sa maison
Au bord de votre Seine,

Quand on n’a jamais vu se lever le soleil
Ni la lune renaître
Ailleurs que sur vos champs, que sur vos blés vermeils,
Vos chênes et vos hêtres,

Quand jaloux de goûter le vin de vos pressoirs ;
Vos fruits et vos châtaignes,
On a bien médité dans la paix de vos soirs
Les livres de Montaigne,

Quand pendant vos étés luisants, où les lézards
Sont verts comme des fèves,
On a senti fleurir les chansons de Ronsard
Au jardin de son rêve,

Quand on a respiré les automnes sereins
Où coulent vos résines,
Quand on a senti vivre et pleurer dans son sein
Le coeur de Jean Racine,

Quand votre nom, miroir de toute vérité,
Émeut comme un visage,
Alors on a conclu avec votre beauté
Un si fort mariage

Que l’on ne sait plus bien, quand l’azur de votre oeil
Sur le monde flamboie,
Si c’est dans sa tendresse ou bien dans son orgueil
Qu’on a le plus de joie…

Anna de Noailles, Le coeur innombrable

La Tapisserie de sainte Geneviève et de Jeanne d'Arc (1913)

Par Charles Péguy (1873-1914)ste geneviève.JPG
 
Comme elle avait gardé les moutons à Nanterre,
On la mit à garder un bien autre troupeau,
La plus énorme horde où le loup et l’agneau
Aient jamais confondu leur commune misère.
 
Et comme elle veillait tous les soirs solitaires
Dans la cour de la ferme ou sur le bord de l’eau,
Du pied du même saule et du même bouleau
Elle veille aujourd’hui sur ce monstre de pierre.
 
Et quand le soir viendra qui fermera le jour,
C’est elle la caduque et l’antique bergère,
Qui ramassant Paris et tout son alentour
 
Conduira d’un pas ferme et d’une main légère
Pour la dernière fois dans la dernière cour
Le troupeau le plus vaste à la droite du père.
 
Comme elle avait gardé les moutons à Nanterre
Et qu’on était content de son exactitude,
On mit sous sa houlette et son inquiétude
Le plus mouvant troupeau, mais le plus volontaire.
 
Et comme elle veillait devant le presbytère,
Dans les soirs et les soirs d’une longue habitude,
Elle veille aujourd’hui sur cette ingratitude,
Sur cette auberge énorme et sur ce phalanstère.
 
Et quand le soir viendra de toute plénitude,
C’est elle la savante et l’antique bergère,
Qui ramassant Paris dans sa sollicitude
 
Conduira d’un pas ferme et d’une main légère
Dans la cour de justice et de béatitude
Le troupeau le plus sage à la droite du père.

 

Elle avait jusqu’au fond du plus secret hameau

La réputation dans toute Seine et Oise

Que jamais ni le loup ni le chercheur de noise

N’avaient pu lui ravir le plus chétif agneau.

 

Tout le monde savait de Limours à Pontoise

Et les vieux bateliers contaient au fil de l’eau

Qu’assise au pied du saule et du même bouleau

Nul n’avait pu jouer cette humble villageoise.

 

Sainte qui rameniez tous les soirs au bercail

Le troupeau tout entier, diligente bergère,

Quand le monde et Paris viendront à fin de bail

 

Puissiez-vous d’un pas ferme et d’une main légère

Dans la dernière cour par le dernier portail

Ramener par la voûte et le double vantail

Le troupeau tout entier à la droite du Père.