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07/11/2014

Horace, l'Homme juste - Pierre Corneille

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L’homme juste et tenace en ses résolutions,
Rien ne peut ébranler sa tranquille assurance,
Ni la violence de la rue,
Ni d’un tyran la face menaçante,
 
Ni l’Auster déchaîné contre l’Adriatique,
Ni l’immense main de Jupiter foudroyant.
Si le monde détruit s’effondre,
Ses ruines l’écraseront sans l’effrayer.
 
C’est ainsi que Pollux, et c’est ainsi qu’Hercule,
Le Voyageur, gagnèrent les cités du feu ;
Auguste est couché parmi eux :
Sa bouche est pourpre et il boit le nectar ;



Ainsi tu méritas, Père, ô Bacchus, que tes
Tigres te conduisent là-haut, leur cou rebelle
Pris sous le joug ; Quirinus, lui,
A fui l’enfer grâce aux chevaux de Mars,
 
Lorsqu’au conseil des dieux Junon eut prononcé
Ce discours qui leur plut : « Ilion ! Ilion !
Un juge fatal et impur,
Une femme étrangère, l’ont réduite
 
En cendres ; depuis que de leur dû Laomédon
Osa frustrer les dieux, cette ville était vouée,
Avec son peuple et son chef fourbe,
A la chaste Minerve et à moi-même.
 
Non, il n’éblouit plus sa maîtresse spartiate,
L’hôte infâme, et la maison parjure de Priam
Ne peut plus compter sur Hector
Pour briser les assauts des Achéens.
 
La guerre prolongée par nos propres disputes
N’est plus que du passé. Mes lourds ressentiments,
Donc, et ce petit-fils maudit
Que m’enfanta la prêtresse troyenne,
 
A Mars j’en fais cadeau ; mais je consentirais
Qu’au séjour lumineux l’autre apprenne à goûter
La saveur du nectar, et qu’il
Soit admis dans les rangs des dieux sereins ?
 
Tant qu’entre Rome et Troie grondera l’Océan,
Les exilés pourront régner avec bonheur
En quelque endroit qu’ils le désirent.
Sur les tombes de Priam et de Pâris
 
Tant que bondiront les troupeaux et nicheront
Les bêtes des champs, je veux bien que le Capitole
Resplendisse, et que la farouche
Rome puisse dicter sa loi aux Mèdes.
 
Qu’on la redoute au loin, qu’elle étende son nom
Jusqu’aux confins du monde, là où l’onde sépare
L’Europe de l’Afrique, là où
Le Nil en crue arrose les campagnes.
 
L’or enfoui dans la terre où il devrait rester,
Qu’elle soit plus vaillante à le bien dédaigner
Qu’à le forcer à nos usages
Par le pillage et la profanation.
 
Sur l’une et l’autre borne où vient buter le monde,
Qu’elle avance ses armes, avide d’explorer
Les lieux où le soleil fait rage
Et ceux où la pluie règne et les brouillards.
 
Mais cette destinée, les belliqueux Quirites
Ne la pourront remplir qu’à une condition :
Que trop pieux, trop confiants,
Ils ne cherchent jamais à relever Troie.
 
Troie, ressuscitant sous de funestes auspices,
Sera soumise encore au même affreux désastre,
Et moi, Junon, épouse et sœur
De Jupiter, je mènerai l’assaut.
 
Trois fois ressurgirait par l’œuvre de Phébus
Sa muraille d’airain, trois fois par mes Argiens
Elle serait détruite ; trois fois
La femme pleurerait ses fils et son mari. »
 
Mais ceci n’ira pas à ta lyre joueuse :
Ô Muse, où te perds-tu ? Cesse donc de vouloir
Imiter la langue des dieux
Et la réduire à ton petit registre.

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