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14/02/2015

La liberté caractérise l’État démocratique et l’abus de la liberté cause sa ruine

Le bien qu’on se proposait et qui a servi à l’établissement de l’oligarchie, c’est la richesse excessive, n’est-ce pas ? Or c’est la passion insatiable de la richesse et l’indifférence qu’elle inspire pour tout le reste qui a perdu l’oligarchie. Eh bien, n’est-ce pas de même le désir insatiable de ce que la démocratie regarde comme son bien suprême qui cause aussi sa ruine, à savoir la liberté ? Ce bien-là, tu entendras dire dans un État démocratique que c’est le plus beau de tous, et que pour cette raison c’est le seul État où un homme né libre puisse habiter. 


Eh bien, n’est-ce pas le désir insatiable de ce bien, avec l’indifférence pour tout le reste, qui fait changer ce gouvernement et le réduit à recourir à la tyrannie ? Quand un État démocratique, altéré de liberté, trouve à sa tête de mauvais échansons, il ne connaît plus de mesure et s’enivre de liberté pure ; alors, si ceux qui gouvernent ne sont pas extrêmement coulants et ne lui donnent pas une complète liberté, il les met en accusation et les châtie comme des criminels et des oligarques. 
Et s’il est des citoyens qui sont soumis aux magistrats, on les bafoue et on les traite d’hommes serviles et sans caractère ; mais les gouvernants qui ont l’air de gouvernés, et les gouvernés qui ont l’air de gouvernants, voilà les gens qu’on vante et qu’on prise, et en particulier, et en public. N’est-il pas inévitable que dans un pareil Etat l’esprit de liberté s’étende à tout ? Et qu’il pénètre dans l’intérieur des familles et qu’à la fin l’anarchie se développe jusque chez les bêtes ? Le père s’accoutume à traiter son fils en égal et à craindre ses enfants, le fils s’égale à son père et n’a plus ni respect ni crainte pour ses parents, parce qu’il veut être libre ; devient l’égal du citoyen, le citoyen du métèque, et l’étranger de même.
A ces abus ajoute encore les menus travers que voici. Dans un pareil État, le maître craint et flatte ses élèves, et les élèves se moquent de leurs maîtres, comme aussi de leurs gouverneurs. En général, les jeunes vont de pair avec les vieux et luttent avec eux en paroles et en actions. Les vieux, de leur côté, pour complaire aux jeunes, se font badins et plaisants et les imitent pour n’avoir pas l’air chagrin et despotique.(…) Et c’est partout de même un débordement de liberté. Or tu conçois quelle grave conséquence ont tous ces abus accumulés : c’est qu’ils rendent les citoyens si ombrageux qu’à la moindre apparence de contrainte, ils se fâchent et se révoltent, et ils en viennent à se moquer des lois écrites ou non écrites, afin de n’avoir absolument aucun maître.

Tel est donc le beau et séduisant début de la tyrannie

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