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22/09/2015

La Tapisserie de sainte Geneviève et de Jeanne d'Arc (1913)

Par Charles Péguy (1873-1914)ste geneviève.JPG
 
Comme elle avait gardé les moutons à Nanterre,
On la mit à garder un bien autre troupeau,
La plus énorme horde où le loup et l’agneau
Aient jamais confondu leur commune misère.
 
Et comme elle veillait tous les soirs solitaires
Dans la cour de la ferme ou sur le bord de l’eau,
Du pied du même saule et du même bouleau
Elle veille aujourd’hui sur ce monstre de pierre.
 
Et quand le soir viendra qui fermera le jour,
C’est elle la caduque et l’antique bergère,
Qui ramassant Paris et tout son alentour
 
Conduira d’un pas ferme et d’une main légère
Pour la dernière fois dans la dernière cour
Le troupeau le plus vaste à la droite du père.
 
Comme elle avait gardé les moutons à Nanterre
Et qu’on était content de son exactitude,
On mit sous sa houlette et son inquiétude
Le plus mouvant troupeau, mais le plus volontaire.
 
Et comme elle veillait devant le presbytère,
Dans les soirs et les soirs d’une longue habitude,
Elle veille aujourd’hui sur cette ingratitude,
Sur cette auberge énorme et sur ce phalanstère.
 
Et quand le soir viendra de toute plénitude,
C’est elle la savante et l’antique bergère,
Qui ramassant Paris dans sa sollicitude
 
Conduira d’un pas ferme et d’une main légère
Dans la cour de justice et de béatitude
Le troupeau le plus sage à la droite du père.

 

Elle avait jusqu’au fond du plus secret hameau

La réputation dans toute Seine et Oise

Que jamais ni le loup ni le chercheur de noise

N’avaient pu lui ravir le plus chétif agneau.

 

Tout le monde savait de Limours à Pontoise

Et les vieux bateliers contaient au fil de l’eau

Qu’assise au pied du saule et du même bouleau

Nul n’avait pu jouer cette humble villageoise.

 

Sainte qui rameniez tous les soirs au bercail

Le troupeau tout entier, diligente bergère,

Quand le monde et Paris viendront à fin de bail

 

Puissiez-vous d’un pas ferme et d’une main légère

Dans la dernière cour par le dernier portail

Ramener par la voûte et le double vantail

Le troupeau tout entier à la droite du Père.

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