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17/12/2014

Les Monuments aux Morts en France, outils mémoriels au lendemain de la Grande Guerre

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Les monuments aux morts existent en France avant 1918 mais ils sont très rares – seulement quelques dizaines pour le conflit de 1870 – et ne sont ni de même nature, ni de même portée.

Avant on célèbre des armées. A partir de l’immédiat après-Grande Guerre, la commémoration est personnalisée. Jacques Bouillon l’écrit : « Avec les monuments au morts de la Grande Guerre, l’hommage aux soldats disparus change de dimension et de nature. De monuments dédiés à des armées ou à des combattants, traités, en général, de manière anonyme, on passe de l’inscription sur les stèles des noms de tous les morts de la guerre ».


C’est la révolution majeure entraînée par l’explosion des monuments aux morts à partir de 1920 : on nomme les morts, leur accordant une identité propre de soldats et d’hommes, affirmant la personnalisation de chaque sacrifice et la solidarité de tous les citoyens-soldats. C’est cette dualité que l’on trouve dans ces listes gravées dans la pierre des monuments : à la fois une identification individuelle de chaque mort au combat et une commémoration collective, car la liste est créatrice de solidarité e d’unité. On peut ainsi associer les monuments aux morts de la Première Guerre mondiale à des néo-cénotaphes.

Rappelons qu’un cénotaphe (du grec kenos « vide » et taphos (tombe) est un monument, présent dans l’Antiquité, et élevé à la mémoire d’une personne ou d’un groupe de personnes et qui ne contient pas de corps.

Les monuments aux morts ne contiennent pas de corps : c’est là leur plus grande particularité. Il y a ainsi un découplement de la mémoire du défunt : sa commune natale, celle où il était citoyen, homme, père ou fils, le célèbre par son nom, par son identité de personne alors que son corps, celui du soldat mort au combat, reste, parfois non identifié, dans les cimetières des champs de bataille. Il est intéressant de voir que des raisons largement techniques (d’identification, d’acheminement, de listage) ont créé une forme mémorielle tout à fait particulière, par le nom. Ce nom qui redonne existence au mort.

Les monuments aux morts sont souvent sinistres, ce sont des représentations de la mort, allégoriques, métonymiques ou réalistes : on célèbre un martyr.

Au-delà d’un simple hommage larmoyant, le monument aux morts est surtout un support à la tentative de donner un sens à la mort de 1.3 millions de jeunes hommes sur le champ de bataille. Un sens qui ne peut se trouver que dans la « passion de la patrie ».

Au-delà du vrai phénomène de politique locale que représente l’édification d’un monument dans chaque commune, on peut bien parler de révolution mémorielle et commémorative : désormais, la célébration des morts serait présente partout, dans la moindre commune (seules 12 municipalités française n’ont pas subi de pertes !), imposant le souvenir quotidien, toujours sous les yeux.

Dans les années 1920, la loi de 1905, sur la séparation des Eglises et de l’Etat était en vigueur mais de toute évidence pas encore ancrée dans tous les esprits. Par la loi de fiance de 1920, l’Etat subventionne la construction de cénotaphe, mais la loi de 1905, lui ordonnant de ne fiancer aucun culte, la construction de certains monuments aux morts a relevé du dilemme. Ils sont en effet nombreux à arborer des signes religieux non dissimulés. Les problèmes étaient multiples, on ne pouvait pas détruire certains monuments déjà construits  sous le seul motif qu’ils présentaient des symboles religieux, d’autres villages se jouaient de la loi en dissimulant les symboles derrière des ornement cruciformes (épées, croix de guerre) et enfin, face à la nécessité du deuil et à la prégnance encore très forte du catholicisme dans certaines régions, il était impossible pour les autorités de ne pas laisser certaines communautés exprimer leur deuil sous la forme qu’ils souhaitent.

On voit ici un lien étroit qui mérite d’être développé entre religion et patriotisme. En effet, l’homme ne se réalise que dans l’obéissance à des réalités qui le dépasse, dans la croyance inconditionnelle à une transcendance qui va lui permettre de se défaire de la certitude de sa finitude. Comme la religion, on constate que le patriotisme est aussi une école d’abnégation par laquelle l’homme s’accomplit et se sauve. La Patrie, comme Dieu, justifie le sacrifice  qu’a constitué la mort de plus d’un million de français.

Vous pouvez lire la totalité de l'étude ICI

 

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