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17/01/2015

Rousseau XVIIIè siècle – L’Emile : Il faut préserver l’ « homme naturel »

emile.JPG« Emile n’a que des connaissances naturelles et purement physiques. Il ne sait même pas le nom de l’histoire, ni ce que c’est que métaphysique et morale. Il connaît les rapports essentiels de l’homme aux choses, mais nul des rapports moraux de l’homme à l’homme. Il sait peu généraliser d’idées, peu faire d’abstractions. Il voit des qualités communes à certains corps sans raisonner sur ces qualités en elle même. (…) Il ne cherche point à connaître les choses par leur nature, mais seulement par les relations qui l’intéressent. Il n’estime ce qui lui est étranger que par rapport à lui. (…) Il se considère sans égards aux autres, et trouve bon que les autres ne pensent point à lui. Il n’exige rien de personne, et ne croit rien devoir à personne. Il est seul dans la société humaine ; Il ne compte que sur lui seul. »


Pour Rousseau, l’enfant qui naît est encore « à l’état de nature » ; par conséquent, tout le travail de l’éducateur sera de faire en sorte qu’il apprenne ce qui sera nécessaire à sa vie future, et même à sa vie en société – puisque le passage de l’humanité à l’état social est irréversible -, en s’éloignant le moins possible de cette pureté naturelle. (…)

Si nous pouvions ne rien apprendre aux enfants, ils garderaient l’innocence que nous leur envions ; c’est ce que nous leur transmettons qui crée les pièges dans lesquels ils tomberont. « Nous pouvons être hommes sans être savants » ; et même, moins nous seront savants, plus nous auront la chance de rester des hommes, dans la pureté originelle de notre nature. Le savoir est donc un danger : produit de la culture, il nous éloigne de notre ignorance naturelle. « Si ton fils sait beaucoup de choses, avertit Rousseau, défie-toi de tout ce qu’il sait ». Aussi le précepteur imaginaire d’Emile choisit-il de l’emmener vivre à la campagne, dans la nature, pour le préserver le plus longtemps possible du savoir et même de la curiosité qu’il pourrait recevoir de ses semblables.

Notons d’ailleurs que le premier acte de l’éducation, dans ce texte qui inspira la construction du système éducatif pendant la Révolution, consiste à retirer ainsi l’enfant à ses parents. (…)

Pour l’éducateur, les parents sont des absents dont la présence pourrait être nuisible. « Il doit honorer ses parents, mais il ne doit obéir qu’à moi, c’est ma première ou plutôt ma seule condition ». Voilà qui éclaire par exemple d’un jour singulier la volonté affichée par un ancien ministre de l’Education nationale de libérer au plus tôt les enfants de leurs parents pour les « arracher à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel ». L’autorité parentale était ainsi explicitement décrite comme une prison dont il était urgent d’affranchir l’enfant.

Pour Rousseau comme pour Descartes, il est clair qu’il vaut mieux ne rien savoir que d’accepter un savoir qui ne soit pas absolument certain. Or, ce qui est incertain, c’est l’opinion que l’on a reçue, le savoir qui nous a été transmis. Son précepteur rendra donc un immense service à Emile en ne lui transmettant jamais aucune connaissance, mais en le laissant construire par lui-même tout son savoir, dût-il renoncer pour cela à ce qu’il sache beaucoup de choses. Mieux vaut la pureté de l’ignorance que l’aliénation de la transmission.

 

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