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14/03/2015

La laïcité, "une interprétation fallacieuse de la neutralité de l'Etat" Jean Baubérot

La laïcité nous semble à la fois une idée familière, évidente, dont on fait le quatrième pilier de la République, avec la liberté, l'égalité et la fraternité. Et, en même temps, je passe mon temps à répondre à des gens qui me demandent : "C'est quoi, la laïcité?" Et ce, d'autant plus que se répand, depuis des années, une lecture simpliste et fausse de ce concept au regard de la loi de 1905, qui en a fixé le cadre. 


La loi de 1905 garantit la liberté de conscience et le libre exercice des cultes, ainsi que la non-discrimination et l'égalité des citoyens devant la loi, quelle que soit leur religion. Voilà les deux finalités majeures de la laïcité, qui pose, comme moyen pour y parvenir, la séparation des Eglises et de l'Etat, vu comme un arbitre, neutre. La loi énonce que la religion n'est pas affaire d'Etat. Cela ne veut pas dire qu'elle soit reléguée à la sphère privée, contrairement à l'interprétation qui se répand depuis des années, produisant une confusion et un glissement fallacieux. 

On veut étendre l'obligation de neutralité de l'Etat vers la société elle-même. On confond laïcité et neutralité, cette dernière n'étant qu'un moyen et non une finalité en soi. Je m'explique. La loi est supposée dire : "Cachez cette religion que je ne saurais voir..." Mais pas du tout ! La loi n'a jamais interdit les manifestations de la religion sur la voie publique. En 1905, le débat a été vif, sur ce point, certains voulant les interdire. Or, au contraire, les limites fixées aux processions catholiques par Bonaparte en 1802 ont été abolies. Simplement, les processions ne devaient pas être agressives envers les non-catholiques et l'esprit était que chacun accepte la libre expression de l'autre.  

Résultat : ces manifestations qui, à la fin du XIXe siècle, avaient une signification politico-religieuse -raison pour laquelle des maires tentaient de les empêcher- se sont progressivement dépolitisées. A partir du moment où elles ont été plus libres, le calme est revenu. Le problème est que, depuis plusieurs années, prospère une interprétation fallacieuse de cette neutralité que l'on voudrait étendre à des pans entiers de l'espace public, au profit d'une vision laïciste qui confond le combat pour la laïcité avec la négation de la religion ou sa relégation dans l'"intime". Ce qui donnerait un Etat non plus laïque mais partiellement athée. Or, dans la loi de 1905, l'obligation de neutralité est faite à l'Etat et à ses représentants, pas aux citoyens. 

 

Jean Baubérot est fondateur de la sociologie de la laïcité

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