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08/05/2015

État ou terrorisme : quel est le plus dangereux ?

Les atteintes sécuritaires à l’État de droit mettent-elles nos démocraties en danger ? S’il existe un danger, le risque qu’il nous fait courir est-il proportionné au risque terroriste ?

Les entorses à l’État de droit présentent pour nos sociétés deux risques différents. Le premier dont la survenance est hautement probable mais aux conséquences moins importantes à l’échelle du pays car pesant sur un nombre délimité d’individus. Le second, relatif à l’existence même d’une société démocratique et libérale, a moins de chance de se produire mais ses conséquences sont évidemment incalculables.


  • Risques pour les individus :

Dès lors que les principes d’un procès équitable ne sont pas respectés, la multiplication des condamnations ou des détentions sans motifs réels est inévitable. Elles peuvent correspondre à plusieurs situations. L’implication d’une personne dans des faits graves, notamment des attentats, qui, si elle était avérée, justifierait une condamnation d’une sévérité extrême, peut être retenue à tort en l’absence des précautions liées à une procédure traditionnelle respectant les droits de la défense. À l’opposé des personnes seront détenues sans qu’on leur oppose des crimes réels mais parce ce que certains de leurs comportements peuvent laisser supposer qu’elles présentent un risque de commettre de tels crimes à l’avenir (cas des personnes revenant de Syrie).

Il reste, et l’argument relève d’un froid utilitarisme, que ces détentions injustes pourraient être un mal moins grand que celui qu’auraient provoqué les attentats et que ces dispositions permettront d’éviter. Cela implique que les services sauraient s’arrêter avant d’avoir dépassé le point situé à l’équilibre entre ces deux maux. Il y a de bonnes raisons de penser qu’il n’en sera pas ainsi. La tentation d’une administration est d’étendre ses prérogatives. Or, utiliser celles qui lui sont confiées au maximum des possibilités existantes, fait partie des moyens qu’elle peut mettre en œuvre à cette fin. Certes, même les responsables et agents des services secrets baignent dans un État de droit dont ils partagent certainement en partie les valeurs. Cependant, en tant que membres d’une organisation, leur intérêt sera avant tout de voir celle-ci accroitre son pouvoir. Il est donc inévitable, quelle que soit la qualité des individus qui composent une telle organisation au départ, qu’il n’existe pas de force interne susceptible de limiter la logique de l’accroissement de ses prérogatives. L’équilibre entre la mentalité générale de la population qui imprégnera encore un temps l’attitude des services et la dynamique liée à leur intérêt en tant qu’organisation ralentira l’évolution, mais le point d’arrivée n’en est pas moins certain.

  • Risques pour la démocratie :

 L’expérience nous montre que les démocraties sont résilientes et ont de bonnes capacités de résistances aux dérives liberticides. Face à cette menace, elles sont dotées de certains antidotes. Une tendance de l’appareil sécuritaire d’État à se limiter n’en faisant pas partie, la réaction ne peut venir que de la société. Pour se faire, celle-ci dispose d’armes différentes selon que l’accroissement des prérogatives de l’appareil sécuritaire d’État nécessite ou non de nouvelles avancées législatives. Lorsque les services sécuritaires disposent potentiellement de l’ensemble des outils juridiques nécessaires à leur suprématie, la réaction ne peut-être qu’illégale et insurrectionnelle. Lorsque des mesures complémentaires sont nécessaires pour étendre davantage le pouvoir de l’appareil sécuritaire d’État, la société a un mode de réaction complémentaire par le biais des élections et du corps politique (par opposition à la société civile).

Hadrien Gournay pour le site Contrepoints

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