08/05/2015
L’art de maîtriser le risque
La recherche du "risque zéro " est un leurre : refuser le risque, c’est refuser l’exercice de notre liberté, qui reste limitée et faillible. " Le risque zéro ", c’est finalement " la liberté zéro ", par la disparition de l’engagement, de la responsabilité et de l’acceptation de la part d’échec qu’entraîne l’exercice de cette liberté. Il ne s’agit pas de cultiver le risque pour lui-même, encore moins de se complaire de façon morbide dans nos limites, mais d’apprendre à maîtriser les risques pour ne pas craindre de nous engager de façon responsable. N’ayez pas peur, c’est la parole d’encouragement du pédagogue, qui vient nous inciter à sortir de nous-mêmes et à nous engager de façon responsable en ce monde, en ayant acquis, autant que faire se peut, une maîtrise du risque, en l’ayant en quelque sorte " apprivoisé "
Pour ce faire, sans doute faut-il commencer par apprendre à engager sa liberté et à porter une responsabilité non pas, on s’en doute, par une approche théorique d’abord, mais plutôt par une pratique progressive et proportionnée à l’âge et aux aptitudes de chacun ; cela implique sans doute de commencer jeune, par des engagements limités dans le temps et dans la difficulté, impliquant des risques mineurs, dans un terrain connu et bien balisé. Dans cette même perspective, il faut apprendre à durer et à affronter des difficultés, à gérer des crises prévisibles, ou le plus souvent imprévisibles ; autrement dit, il s’agit d’acquérir en plus d’un esprit de décision, une force morale impliquant constance et endurance
C’est à cet égard un bien mauvais service rendu aux plus jeunes que de les surprotéger à raison de leur fragilité et, brutalement, à l’âge adulte de les laisser faire face, sans apprentissage, à la rudesse du monde.
Il n’en reste pas moins que l’épreuve de l’échec, et la souffrance qui en découle, guettent tout acteur dans l’engagement de sa liberté. Il s’agit donc encore d’acquérir cette disposition de l’âme qui nous fait accueillir l’épreuve avec patience et nous apprend à en tirer quelques forces nouvelles pour d’autres engagements, plutôt que de nous laisser aller à l’accablement de l’orgueilleux blessé. C’est peut-être même au travers de l’expérience de l’échec que se vérifie, mais aussi se forge, la maîtrise authentique de la prise de risque.
Patrick Le Gal - Evêque émérite aux Armées Française
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