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05/11/2014

"L’espérance, au sens le plus profond du terme, ne vient pas du dehors" - Vaclav Havel

Extraits choisis du discours sur la mort et l'espérance prononcé par Vaclav Havel en 1995 à Hiroshima. 

Souvent, au cours de ma vie, et pas seulement en prison, il m’est arrivé de me trouver dans une situation où tout semblait se liguer contre moi (...) C’est là une situation que nous connaissons tous (...) Nous sommes pour ainsi dire dans une situation de désespoir.

Je me trouvais donc plongé dans ce marasme, et une question toute simple ne cessait de me tourmenter: pourquoi ne pas tout abandonner, pourquoi ne pas me résigner? Ou d’une façon plus radicale encore: à quoi bon m’obstiner à vivre puisque ma vie n’a clairement aucun sens? (...)


 

Et chaque fois que je m’interrogeais ainsi, je finissais par comprendre que l’espérance, au sens le plus profond du terme, ne vient pas du dehors, qu’on ne saurait la chercher autour de soi dans les signes qui annoncent le succès de telle ou telle entreprise, pas plus qu’on ne saurait la perdre en bloc lorsque tout paraît courir à la catastrophe. Au contraire, j’aboutissais chaque fois à cette même conclusion claire: l’espérance est avant tout un état d’esprit que l’on partage ou non, indépendamment de la situation où l’on est plongé. Bref, l’espérance est un phénomène existentiel qui n’a rien à voir avec la manière d’appréhender l’avenir. Tout peut paraître sous le jour le plus noir et, pour des raisons mystérieuses, nous ne perdons pas espoir. Inversement, tout peut se dérouler selon nos voeux et, pour des raisons non moins mystérieuses, l’espérance nous quitte soudain. (...)

L’unique explication de l’espérance véritable tient à notre certitude profonde et par essence, archétypale, une certitude pourtant maintes et maintes fois rejetée ou ignorée: celle que la vie sur terre n’est pas un événement aléatoire au milieu de milliards d’autres événements cosmiques eux aussi aléatoires et promis à une disparition totale, mais qu’elle est une partie intégrante, ou un maillon, fût-il microscopique, d’un grand et mystérieux ordre de la vie dans lequel tout a sa place unique, où rien de ce qui est arrivé ne peut être effacé, où tout s’inscrit à jamais et se trouve mystérieusement évalué. Oui, seul notre sentiment de l’infini et de l’éternité, qu’il soit intuitif ou raisonné, peut expliquer ce phénomène non moins mystérieux qu’est l’espérance. (...)

En exagérant un peu, on pourrait (...) dire que la mort ou la conscience de la mort, cette dimension étonnante s’il en est du passage de l’homme sur terre, qui nous remplit d’effroi, de crainte et de terreur, constitue en même temps une sorte de condition à l’accomplissement de notre vie au meilleur sens du terme. Car c’est un obstacle placé dans l’esprit humain pour le mettre à l’épreuve et le défier d’être vraiment ce miracle de la création qu’il prétend être. Cette conscience lui offre en effet la possibilité de vaincre la mort, non en refusant de l’admettre, mais en se montrant capable de voir au-delà d’elle ou d’agir malgré elle, en toute connaissance de cause. Sans l’expérience de la transcendance, ni l’espérance ni la responsabilité humaine n’ont de sens. (...).

 

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