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14/11/2014

Jean-Paul Brighelli – La fabrique du crétin

La littérature est modèle et anti-modèle. A étudier ce qui s’est dit et écrit de mieux au cours des siècles,livre.jpg on forme son propre jugement – par admiration de l’un, mépris de l’autre, indifférence pour un troisième. Au moins, on les connait : on sait désormais que dire, et qu’en dire. L’enseignement de l’Histoire, de même, renseigne l’avenir. Les siècles passés, en bref, donnent tous les mots et toutes les clefs du présent.


En revanche, en s’interdisant pratiquement, d’aller voir de près ce qui fut pensé, on autorise cette dérive permanente du relativisme non argumenté. « C’est votre avis, ce n’est pas le mien ».

On a commencé par limiter l’enseignement de la littérature ou de la philosophie à quelques textes sans danger. Bientôt, comme les professeurs de langues vivantes, désormais interdits de Shakespeare, Cervantès ou Goethe, nous ne ferons plus que de la « communication ».

En coupant les jeunes de la culture, on les a confinés dans le ghetto d’une langue raréfiée, où les quelques mots subsistants sont affublés de tous les sémantiques en même temps. « C’est géant / c’est nul » : entre ces deux jugements, toute la gamme intermédiaire – tout ce qui permet d’affiner la pensée – a disparu.

La vraie novlangue d’Orwell est là. Elle résulte elle aussi d’un calcul d’Etat. « Ca craint, mec ! » beugle le jeune con (temporain). 3c’est double-plus-bon », devaient dire les épigones de Winston, le héros de 1984.

Les inventions verbales, dans ce contexte d’appauvrissement général, ne témoignent nullement de la vigueur de la langue, mais de son extinction. Le mot branché (chébran, bléca, ce que vous voulez) est l’argot d’une secte, d’un gang, d’un clan. Il n’enrichit pas la langue, il entérine l’exclusion.

Les jeunes n’ont plus les mots pour organiser ne serait-ce que l’embryon d’une pensée.

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